Arrêt du 7 juin 2001, arrêt Kress, contentieux administratif, commissaire du gouvernement, droit au procès équitable, principe du contradictoire, principe de l'égalité des armes
En l'espèce, saisie par madame Kress, la C.E.D.H. examine pour la première fois le rôle du commissaire du gouvernement dans la procédure suivie devant le Conseil d'État français. Celle-ci est-elle, comme se plaint la requérante, en contradiction avec le droit à un procès équitable en raison, d'une part, de l'impossibilité d'obtenir préalablement à l'audience communication des conclusions du commissaire du gouvernement et de pouvoir y répliquer à l'audience et, d'autre part, de la participation du commissaire du gouvernement au délibéré ?
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[...] n'en soumet pas moins l'intervention du commissaire du gouvernement au respect du principe du contradictoire. L'arrêt Reinhardt et Slimane Kaïd avait décelé une atteinte aux exigences du procès équitable dans le déséquilibre résultant de l'absence de communication au demandeur du rapport du conseiller rapporteur et du projet d'arrêt, alors que l'avocat général, sans être membre de la formation de jugement, est destinataire de ces documents. L'arrêt Kress, tout en rappelant la position ainsi adoptée n'en tire aucune conséquence pour la procédure suivie devant la juridiction administrative. [...]
[...] Par une décision Esclatine, le Conseil d'État avait entendu prévenir une éventuelle mise en cause par la Cour européenne du rôle du commissaire du gouvernement en jugeant que ce dernier «participe à la fonction de juger dévolue à la juridiction dont il est membre; que l'exercice de cette fonction n'est pas soumis au principe du contradictoire applicable à l'instruction?pas plus que la note du rapporteur ou le projet de décision, les conclusions du commissaire du gouvernement - qui peuvent d'ailleurs ne pas être écrites - n'ont pas à faire l'objet d'une communication préalable aux parties, lesquelles n'ont pas davantage à être invitées à y répondre»3. En bref, le commissaire du gouvernement n'est pas « près » mais « dans » le Conseil d'État. Cette argumentation a été reprise par la CJCE dans son ordonnance du 4 février 2000 Emesa Sugar, à propos du rôle de son avocat général4. Cette ligne de défense commune au Conseil d'État et à la C.J.C.E. [...]
[...] Dans la mesure où ses prises de position sont publiques, il permet une plus grande transparence de l'?uvre jurisprudentielle et sa meilleure compréhension »10. Par contre, les raisons qui ont conduit le juge européen à prohiber la participation du commissaire du gouvernement au délibéré confirment malheureusement «la tyrannie de l'apparence» qui est plus souvent celle appréhendée par les juges de Strasbourg que celle ressentie par les juges nationaux. La différence d'optique s'estompera peut-être le jour où, sous la pression croissante du nombre des requêtes dont est saisie la Cour, les États membres du Conseil de l'Europe procèderont à de nouveaux aménagements instituants, comme le propose Monsieur Cohen-Jonathan à la création auprès de la Cour d'avocats généraux11. [...]
[...] Le rapport et le projet d'arrêt de l'un et les conclusions de l'autre se situent en dehors du débat des parties: ce sont des éléments du processus interne d'élaboration de la décision préparatoire au délibéré proprement dit. Ces documents sont intégrés au processus de traitement interne du dossier contentieux. L'arrêt Esclatine a clairement mis l'accent sur la participation du commissaire à la fonction de juger proprement dite, distincte de la phase d'instruction contradictoire. Mais tout en ne le qualifiant pas de partie au litige, la C.E.D.H. [...]
[...] Elle s'était au contraire placée sur le terrain des garanties procédurales dont les parties disposent «pour contrebalancer le pouvoir du commissaire». La Cour ne veut voir dans ce dernier qu'une sorte de tiers au procès dont l'intervention est soumise au principe du contradictoire. Mais s'il est exact que le commissaire du gouvernement n'est pas un véritable juge puisqu'il n'est pas admis à voter, cela est-il suffisant pour réfuter la thèse selon laquelle son intervention est étroitement liée à la fonction de juger. [...]
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