Autrui, conscience, conscience de soi, chose pensante, res cogitans, métaphysique, res extensa, corps
Autrui ne semble pas immédiatement explicable, et demande à être reconsidéré dans son expérience aussi certaine qu'étrange. Si l'on prend Autrui d'abord comme quelqu'un de singulier avec qui je suis concrètement en rapport, comment puis-je savoir que tel corps en face de moi n'est pas simplement corps matériel, mais corps d'autrui, un corps doué lui aussi d'esprit ? Plus largement, comment penser le génitif corps d'autrui, si la conscience est distincte du corps, si leur rapport n'est qu'accidentel ? Y a-t-il Autrui par-delà ce qui se tient de l'autre dont je ne peux qu'attester la présence, mais non vérifier si ce quelqu'un d'autre ne fait pas qu'avoir lieu ? Et, au-delà, Autrui est-il quelque chose d'autre qu'autrui, c'est-à-dire quelqu'un d'incorporé ?
[...] Ainsi, en un sens, Autrui est-il enfin atteint, parce que justement appréhendé moins la préhension de la conscience intrusive qui veut se faire Tout intégrant, et, ce faisant, nier une existence qui ne lui appartiendrait pas ; grâce à cette entreprise de pensée de Husserl, mais qui demeure toutefois au rang de médiations, même si elles remédient à une scission ouverte par le cartésianisme, en ce que Husserl fait du moi qui accompagne tout acte de conscience un mouvement transitif vers un objet à saisir, et se découvre via cette opération constitutivement transitive : « la conscience est toujours conscience de quelque chose ». J'ai un accès privilégié, enfin rendu possible, au moi d'autrui, car il m'est alors donné en n'étant pas plus extérieur que le mien, le moi et celui d'autrui se situant ainsi dans un espace plus compréhensif. Le problème de l'accès aux autres moi est réduit, en supprimant tout privilège de l'intériorité. Autrui est donc restitué à la chair du monde, mais une chair qui, ainsi comprise, est encore d'étoffe idéelle. [...]
[...] Voilà notre lot commun, là d'où chacun vient et ce en quoi chaque homme se changera enfin, du moins en terme matériel. Nous ne faisons qu'un avec une terre qui peut offenser par l'appartenance qu'elle nous impose : c'est ainsi que nous sommes mis ici-bas et - d'après le poète, remis nulle part ailleurs, pour une fois unique par la terre nous venons au monde attachés, pour en elle nous détacher : la mort même ne nous en séparera, puisque nous y serons résumés pour cet aspect de notre être qui en son sein connaîtra un retour natal. [...]
[...] Qu'il y ait autrui, nous le reconnaissons par notre coexistence corporelle au sein d'un espace, au sein d'un appartement, dans notre quartier, à l'échelle d'une société entière. Sont au monde ceux avec qui nous avons des interactions, de qui notre vie dépend, cela semble une constatation à l'abri de la contestation. Le pain dont je me nourris a été fabriqué par autrui - et combien ont participé à ce que cette nourriture me parvienne ? - non seulement grâce à la sueur de son labeur, par production engageant son être corporel, mais bien avant par tous ceux qui ont mis au point les dosages de sa composition, qui en ont parfait les techniques de pétrissage? [...]
[...] Si est à estimer par là le gain de voir maintenue l'altérité de l'autre, celle-ci qui a à être préservée à ne pas dénaturer Autrui, étranger à jamais absent, est-elle pour autant maintenue vive ? III. Au-delà du corps comme objet de conscience. Mise en rapport avec autrui par la rencontre A. La compassion charnelle : éprouver Autrui par la charité, co-existence vécue. [...]
[...] Autrui comme un co-pain ? Nous voulons tenter une saisie de l'expérience d'Autrui, penser Autrui comme quelqu'un d'autre, et non seulement comme quelque chose non plus à l'encontre de quelqu'un d'autre indifférencié d'un autre quelqu'un, mais aller à la rencontre d'autrui en me le rendant familier sans que cela implique de savoir comment je puis connaître par là une autre conscience que la mienne ; non plus en instaurant une continuité entre lui et moi, mais en allant au-devant de lui, en partageant le poids de son existence, en mesurant ce que sa chair éprouve, car la perspective husserlienne, si riche pour penser le corps d'Autrui, le restitue à une chair toute idéelle. [...]
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