Marivaux, "La Colonie", Scène 13 : commentaire composé - publié le 05/11/2009

Résumé du document

Un cadre et une situation particuliers : la distanciation choisie par l'auteur, une île lointaine et fictive, lui permet une certaine audace mais le lecteur ne s'y trompe pas. La scène est à l'extérieur et on imagine aisément qu'il règne un certain chahut, comme en témoigne le tambour, "on bat le tambour". Les femmes ont préparé leur manifestation, comme en témoigne l'affiche, et veulent être entendues (...)

Extraits

[...] nous voulons nous mêler de tout, être associées à tout, exercer avec vous tous les emplois, ceux de finance, de judicature et d'épée. Madame Sorbin utilise les mêmes procédés : De même qu'au Palais à tenir audience, à être Présidente, Conseillère, Intendante, Capitaine ou Avocate. Arthénice donne trois arguments convaincants dans la seconde partie de la scène : la justice n'est que celle des hommes, elle est donc injuste ; les gouvernements des nations fonctionnent mal, parce que seuls les hommes les dirigent, le mariage n'est pas équitable, c'est pour la femme une servitude. En invoquant l'intention des dieux l'argument est irréfutable. [...]

[...] Arthénice : Elle vous apprendra que nous voulons nous mêler de tout, être associées à tout, exercer avec vous tous les emplois, ceux de finance, de judicature(2) et d'épée. Hermocrate : D'épée, Madame? Arthénice : Oui, d'épée, Monsieur; sachez que jusqu'ici nous n'avons été poltronnes que par éducation. Madame Sorbin : Mort de ma vie! Qu'on nous donne des armes, nous serons plus méchantes que vous ; je veux que dans un mois, nous maniions le pistolet comme un éventail : je tirai ces jours passés sur un perroquet, moi qui vous parle. [...]

[...] Dans La Colonie, Marivaux met en scène un groupe d'hommes et de femmes naufragés sur une île déserte. Les hommes décident d'établir une constitution sans tenir compte de l'avis des femmes . Scène 13 Timagène, Hermocrate, L'autre homme, Persinet, Arthénice, Madame Sorbin, Une femme avec un tambour et Lina tenant une affiche. Arthénice : Messieurs, daignez répondre à notre question ; vous allez faire des règlements pour la république, n'y travaillerons-nous pas de concert?(1) A quoi nous destinez-vous là-dessus? Hermocrate : A rien, comme à l'ordinaire. [...]

[...] ce qui signifie aussi que les hommes manquent d'étoffe. II Une scène à caractère polémique : les préjugés des hommes : le dramaturge met ici en évidence la pauvreté de la réflexion des hommes, leur manque d'esprit et d'ouverture, leurs préjugés. La première réplique d'Hermocrate est révélatrice lorsqu'on lui demande quel sera le rôle des femmes dans ce gouvernement : «rien, comme à l'ordinaire. Cela signifie que cet état est habituel et que les hommes non seulement n'y ont pas pensé, mais ne l'ont jamais envisagé. [...]

[...] Arthénice : C'est que le mariage qui se fait entre les hommes et nous devrait aussi se faire entre leurs pensées et les nôtres ; c'était l'intention des dieux, elle n'est pas remplie, et voilà le source de l'imperfection des lois ; l'univers en est la victime et nous le servons en vous résistant. J'ai dit ; il serait inutile de me répondre, prenez votre parti, nous vous donnons encore une heure, après quoi la séparation est sans retour, si vous ne vous rendez pas ; suivez-moi, Madame Sorbin, sortons. Madame Sorbin, ( en sortant) : Notre part d'esprit salue la vôtre. [...]