Poésies diverses, J'espère et crains, Ronsard, poésie, Pétrarque, poème, sonnet, amour, Pléiade, Du Bellay, mouvement courtois, carpe diem
Le thème de l'amour impossible pour une « dame », la Laure de Pétrarque ou chez Ronsard, Cassandre, Hélène ou Marie, prend naissance au Moyen-Âge avec l'amour courtois (ainsi qu'avec la Béatrice de Dante).
Le sonnet que nous allons étudier appartient probablement au départ au recueil Les Amours, publié en 1552 et dédié à Cassandre, mais on le retrouve dans l'édition posthume Poésies diverses (1587), et il comporte alors deux vers finaux différents de ceux de la première version. C'est cette dernière version que nous allons étudier.
[...] De subtiles variations courent tout au long du poème, grâce auxquelles celui-ci devient une forme vivante et pleine de surprises. Chaque vers est construit selon un principe disruptif qui rompt la régularité du principe général. On constate par exemple le recours à des inversions rythmiques : dans le premier vers, « J'espère et crains, je me tais et supplie », « espère » (deux syllabes), en début de ligne, fait écho au final « supplie » (deux syllabes), tandis qu'au centre du vers, « crains » (une syllabe) amène à « tais » (une syllabe). [...]
[...] J'ose, je veux, je m'efforce, et ne puis/ Tant d'un fil noir la Parque ourdit ma vie ». Alors que ces derniers vers conféraient à l'ensemble du poème une atmosphère tragique, et expliquait les souffrances causées par l'amour par la condition mortelle de l'Homme - thématique qui est à relier au « carpe diem » cher au poète cette version différente minimise le malheur prométhéen. A la lueur de ce « je fais ce que je puis », l'ensemble du sonnet, avec ces incessantes inversions d'états, prend une valeur comique. [...]
[...] En outre, dans tous les cas, le plaisir manifeste du poète à composer un tel jeu poétique ne peut que se transmettre au lecteur. Ronsard n'est pas Du Bellay. Chez lui, la plainte ne l'emporte jamais sur le goût de la vie, fût-elle difficile et menée sous l'ombre de la mort. Tout amour est relatif, pense-t-il, - contrairement à ce qu'exprimaient l'amour courtois ou Pétrarque. Mais le Poète, selon lui, s'égale au Titan. On est d'abord frappé, en lisant Ronsard, par la puissance jubilatoire et l'extrême virtuosité de sa poésie. [...]
[...] Nous étudierons dans un premier temps les caractéristiques pétrarquistes du sonnet de Ronsard, puis les éléments originaux que l'on peut y noter. Enfin, nous nous pencherons sur la signification générale du texte. Dans la Canzone CCCXXXIV de Pétrarque, le poète écrit au troisième vers : « Et je crains et j'espère ; je brûle et suis de glace », puis au sixième « Telle en prison me garde, et ne m'enferme guère », au huitième, « Amour ne me tue pas ni ne m'ôte mes fers », au dixième « Je vois et n'ai point d'yeux, et sans langue je crie ». [...]
[...] Ce n'est pas une femme précise qui provoque les déchirements du poète, mais « Amour ». Le pluriel utilisé dans la formule « Un Prométhée en passions » indique assez clairement que les amours de Ronsard ont pu être multiples. Le topos de l'amour courtois dédié à une « dame », très présent deux siècles auparavant chez Pétrarque, a subi un glissement qui a amené à la prise de conscience que ce n'est plus le corps d'une femme qui est interdit, mais le sentiment amoureux en général. [...]
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