Les Fleurs du Mal - Parcours : alchimie poétique, la boue et l'or

La poésie pour Baudelaire est donc comparable à de l'alchimie, un procédé qui consiste à transformer les métaux banals en métaux nobles (par exemple le plomb en or). Le titre Les Fleurs du Mal suggère d'ailleurs cette transformation, les fleurs étant extraites du mal. L'alchimie poétique est donc une transformation de la réalité banale et sordide en poésie. C'est cette innovation de Baudelaire qui rend sa poésie si moderne.

I. Présentation de l'auteur

A. Repères biographiques

Charles Baudelaire naît en 1821 et devient un enfant difficile, car il ne s'entend pas avec le nouvel époux de sa mère.

Après avoir obtenu son baccalauréat, Baudelaire part s'installer dans le Quartier latin à Paris où il se conduit en dandy et mène une vie de débauche. Pour l'en sortir, sa famille l'envoie faire un voyage aux Indes dont il reviendra au bout de quelques mois. Pour subvenir à ses besoins, Baudelaire écrit de nombreux poèmes, des essais, des critiques d'art et de littérature, et des traductions (notamment de l'oeuvre d'Edgar Allan Poe qui le font connaître au public français). Baudelaire trouve l'inspiration parmi les femmes qu'il rencontre lors de ses aventures amoureuses et qui deviennent ses muses, à l'instar de Jeanne Duval.

Baudelaire participe à la révolution de 1848, empli d'un sentiment idéaliste républicain, mais la répression qui s'ensuit et le coup d'État de 1851 de Louis-Napoléon Bonaparte lui laissent un sentiment amer. Croulant sous les dettes, Baudelaire part vivre en Belgique pendant quelque temps, mais rentre déçu de son expérience. Soigné pour ses problèmes de santé liés à l'alcool, la consommation de drogues et la syphilis, Baudelaire meurt en 1867.

B. Le style poétique et le rôle du poète

L'oeuvre de Baudelaire s'inscrit au coeur de deux mouvements littéraires du XIXe siècle, le romantisme (alors sur le déclin) et le Parnasse. Baudelaire a été en effet influencé par des auteurs romantiques comme Victor Hugo ou par des représentants du mouvement Parnasse (qui défendent "l'art pour l'art", autrement dit l'art inutile sinon à être beau) tels que Théophile Gautier, à qui Baudelaire dédiera Les Fleurs du Mal. L'oeuvre de Baudelaire porte également en germe le symbolisme, mouvement qui apparaîtra plus tard et qui sera porté par Mallarmé ou Verlaine. Tout ceci procure à l'oeuvre poétique de Baudelaire une modernité qui inspirera les poètes futurs. Dans sa poésie, Baudelaire utilise les formes classiques (sonnet, alexandrin) en les inscrivant dans une approche moderne qui est à la fois provocatrice et innovante : il s'agit de poétiser la vulgarité et de vulgariser la poésie.

Dans l'oeuvre de Baudelaire, le réel n'est qu'apparence, une illusion, qui recouvre ce que le lecteur est censé voir. Pour Baudelaire, la tâche du poète consiste donc à déchiffrer, découvrir et extirper la vérité et le sens caché des choses qui se cache derrière les symboles. Il utilise pour cela la technique des correspondances qui est de transposer une idée en image. Le poète est donc comme un traducteur capable de déceler le sens caché des mots ou un alchimiste capable de "transformer la boue en or".

C. Contexte de l'écriture

En 1857, Baudelaire publie Les Fleurs du Mal, un recueil de poèmes qui rompt avec les codes classiques de l'écriture de la première moitié du XIXe siècle et même des époques antérieures. Par ailleurs, la société de l'époque (nous sommes alors sous le Second Empire de Napoléon III) entre dans l'ère de "l'ordre moral" autrement dit un retour aux valeurs conservatrices défendues par l'Église catholique et les membres royalistes de la société. De ce fait, la censure sévit grandement dans le milieu artistique et littéraire.

La société bourgeoise de l'époque s'est donc sentie outragée par la publication des Fleurs du mal. À l'issue d'un procès qui s'est tenu en 1857, Baudelaire et son éditeur sont condamnés à payer une amende pour outrage aux bonnes moeurs et offense à la morale publique ; par ailleurs, six pièces sont supprimées du recueil. En 1861, Baudelaire publie néanmoins une nouvelle édition des Fleurs du mal qui comprend de nouveaux poèmes.

Il faudra attendre 1949 pour que la Cour de cassation réhabilite Baudelaire et son oeuvre, et autorise la publication des six pièces condamnées.

Les Fleurs du Mal ont suscité le scandale parmi la bourgeoise bien-pensante en raison du réalisme choquant dont les poèmes font preuve, mélangeant le beau et le sordide.

II. Fiche de lecture sur Les Fleurs du Mal

A. La structure de l'oeuvre

Le titre Les Fleurs du Mal est un oxymore qui oppose fleurs et mal, mais il sous-entend aussi la relation étroite des deux termes. De manière symbolique, la beauté et la volupté émanent du mauvais, de la laideur, du péché et de la souffrance qui sont le reflet de la condition de l'homme.

L'édition de 1857 du recueil Les Fleurs du Mal est composée de cinq sections ; une sixième est ajoutée dans l'édition de 1861 :

• "Spleen et idéal" (quatre-vingt-dix-huit poèmes) : le poète est tiraillé entre le spleen et l'idéal ;
•  "Tableaux parisiens" (seize poèmes) : il décrit le sentiment de solitude dans la grande ville ;
• "Le vin" (cinq poèmes) : la tentation des "paradis artificiels" que sont l'alcool et les drogues ;
• " Fleurs du mal" (douze poèmes): il décrit le vice et la débauche qui mènent au dégoût ;
• "Révolte" (trois poèmes) : Baudelaire montre que pactiser avec le diable est vain ;
• "La mort" (six poèmes) : la mort est le dernier remède et le dernier espoir à ses souffrances.

Ces six sections décrivent le monde comme un enfer dans lequel l'âme du poète se débat, ce que Baudelaire explique dès le premier poème de l'oeuvre "Au lecteur" : "Ces six sections décrivent le monde comme un enfer dans lequel l'âme du poète se débat, ce que Baudelaire explique dès le premier poème de l'oeuvre "Au lecteur" : "Chaque jour vers l'Enfer nous descendons d'un pas".  En première lecture, le recueil des Fleurs du mal semble classique puisque Baudelaire a recours à des formes comme le sonnet ou l'alexandrin. En revanche, Baudelaire utilise des contrastes, il mêle les mots banals aux mots raffinés, il joue avec la musicalité des vers ou encore, il utilise les enjambements, les rejets et contre-rejets apportant ainsi une grande modernité à sa poésie.

B. Les thématiques composant l'oeuvre

On peut dégager plusieurs thèmes qui sont abordés dans Les Fleurs du Mal :

• le contraste : c'est un composant majeur de l'oeuvre de Baudelaire ;
• le spleen : terme créé par Baudelaire et désigne une forme de mélancolie ;
  
• l'amour et la femme : ce sont les deux muses qui inspirent le poète ;
  
• la mort : elle correspond à la recherche du néant et à la délivrance ;
  
• la ville : thématique qui contraste avec la nature valorisée par les romantiques ;
  
• le poète maudit : le génie du poète est à la fois un don et une malédiction ;
  
• le voyage : il incarne l'exotisme, le rêve d'ailleurs ;
  
• l'alchimie : la transformation du laid en beau, du mauvais en bien ;
  
• la religion : elle apparaît sous la forme de l'attrait pour le diable.

C. Signification de l'oeuvre

Les Fleurs du Mal expriment le conflit constant entre le spleen et l'idéal. Seule la recherche de l'idéal, un monde invisible représenté par l'enfance, le voyage, les femmes, l'ivresse, permet de délivrer du spleen qui est le monde dans lequel on vit - représenté par l'angoisse, l'humeur noire, le mal-être - et qui n'est que le reflet de l'idéal. Mais le spleen l'emporte toujours chez Baudelaire comme en témoigne la structure même du recueil.

Baudelaire est un alchimiste qui transforme le spleen en inspiration poétique, autrement dit il rend au monde rationnel et réel sa beauté cachée ou perdue. Il transforme la société, le temps, le spleen. Cependant, Baudelaire partage son sentiment d'échec dans sa quête de l'idéal (l'or), car le spleen (la boue) refait sans cesse surface et semble recouvrir chaque morceau du monde qui l'entoure, en dépit de ses efforts pour recueillir les résidus de cet idéal, tels que la beauté et l'amour.

Baudelaire est un homme constamment tiraillé entre le beau et le laid, le bien et le mal, Satan et Dieu, ce qui ressort de toute son oeuvre.

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