Introduction

Jean-Jacques Rousseau publie en 1761 le roman épistolaire Julie ou la Nouvelle Héloïse qui a beaucoup de succès. Il rédige entre 1765 et 1770 Les Confessions, ouvrage qui raconte sa propre vie mais qui sera publiée après sa mort. Le narrateur et le personnage principal sont donc la même personne ce qui permet à Rousseau de faire savoir aux lecteurs qui il est réellement. Dans le passage que nous allons étudier, Rousseau raconte un épisode de sa jeunesse : Rousseau a volé un ruban et lorsqu’on lui demande des comptes, accuse une cuisinière du méfait. Ce passage raconte donc l’aveu de son méfait qui l’a hanté durant toute sa vie. Ainsi, nous pourrions nous demander en quoi ce récit rétrospectif que Rousseau fait du vol du ruban est-il intimement lié à la connaissance de sa propre personne.  Pour cela, nous allons dans un premier temps nous concentrer sur le récit du vol du ruban puis, dans un second temps, sur l’accusation injuste de Marion. Dans un troisième temps, nous analyserons la réaction des adultes face à cet événement et enfin nous étudierons le remord de Rousseau et son besoin d’avouer sa faute.

Mouvement 1 : Le vol du ruban

« La seule mademoiselle Pontal perdit un petit ruban [...] on me le trouva bientôt. »

Rousseau commence par raconter très simplement le vol. Il utilise une phrase courte et directe« je le volai », ce qui donne une impression de franchise. Il insiste aussi sur le fait que l’objet volé est sans grande valeur : « petit ruban », « déjà vieux », ce qui montre que ce n’est pas pour son importance qu’il le vole, mais par impulsion.

On peut aussi remarquer une antithèse entre « beaucoup d’autres choses » et « ce ruban seul » qui montre bien que Rousseau minimise son acte et l’objet volé.

L’expression « ce ruban seul me tenta » montre une sorte de faiblesse intérieure. Le verbe « tenter » fait penser à la tentation du péché. On voit déjà que Rousseau veut montrer qu’il a été faible, mais pas sans conscience de sa faute.

Mouvement 2 : L’accusation injuste

« On voulut savoir où je l'avais pris [...] auquel mon barbare cœur résiste. »

Quand on lui demande d’où vient le ruban, Rousseau ment et accuse Marion. Il avoue« je la charge effrontément ». Ce mot « effrontément » montre qu’il agit sans honte apparente, même s’il est en réalité troublé.

Le portrait de Marion est très positif : elle est « jolie », « modeste », « douce », « fidèle ». L’auteur utilise des adjectifs valorisants et insiste sur sa gentillesse. Cela rend l’accusation encore plus grave, car Marion est présentée comme une victime parfaite.

Quand elle se défend, Marion ne s’énerve pas : « elle reste interdite, se tait », puis parle calmement. L’opposition entre sa douceur et le mensonge de Rousseau fait ressortir la cruauté de ce dernier. Son regard est décrit de manière hyperbolique, il serait si fort qu’il pourrait 
« désarmer les démons », une image très expressive qui montre à quel point elle est touchante, mais Rousseau reste insensible à sa souffrance.

Mouvement 3 : La réaction des adultes

« Elle nie enfin avec assurance [...] la conscience du coupable vengerait assez l'innocent. »

Dans ce passage, Rousseau montre comment la vérité n’est pas toujours bien perçue. Marion continue de se défendre avec calme, tandis que lui, avec un « ton décidé », donne l’illusion d’être sincère. Cette opposition de ton joue contre elle. Rousseau souligne l’injustice : plus quelqu’un est doux, plus il peut sembler coupable, ce qui est profondément ironique.

On voit ici une critique sociale implicite : les gens jugent souvent selon les apparences. Rousseau écrit : « cette modération, comparée à mon ton décidé, lui fit tort ». Cela montre que même l’innocence peut être vue comme suspecte, si elle n’est pas assez énergique. C’est une réflexion importante sur la faiblesse du jugement humain.

Le comte de la Roque, qui représente l’autorité, refuse de trancher et dit simplement que « la conscience du coupable vengerait assez l’innocent ». Cette phrase prophétique annonce que Rousseau va vivre longtemps avec ce poids sur la conscience. C’est une manière pour l’auteur de préparer le passage au remords, tout en dénonçant le manque de vraie justice.

Mouvement 4 : Le remords et le besoin d’avouer

« Sa prédiction n’a pas été vaine [...] écrire mes confessions. »

Ici, Rousseau revient au moment de l’écriture. Il parle en tant qu’adulte, avec un ton très introspectif. Il commence par dire que la prédiction du comte s’est réalisée : il souffre chaque jour du souvenir de ce qu’il a fait. Il utilise des formules fortes comme « insupportable »« me trouble »« me bouleverse » pour montrer que ce souvenir l’obsède encore.

Il décrit aussi comment le remords varie selon les circonstances : « le remords s’endort durant un destin prospère, et s’aigrit dans l’adversité ». Cette phrase a une valeur de maxime morale. Rousseau veut dire que lorsqu’on est heureux, on peut oublier ses fautes, mais quand la vie devient difficile, la conscience revient nous tourmenter. Il généralise son expérience, ce qui donne une portée philosophique au texte.

Il avoue ensuite qu’il n’a jamais osé raconter cette faute à personne, pas même à ses proches. Cela renforce l’idée que le poids du mensonge est resté secret et lourd. Il dit : « ce poids est donc resté sans allégement sur ma conscience ». L’écriture devient alors un moyen de se libérer, de « se confesser » au lecteur.

Conclusion

Dans ce passage, Rousseau fait l’aveu d’un vol survenu durant sa jeunesse mais aussi celui d’un mensonge qui a eu de graves conséquences sur une jeune fille innocente. Il confesse donc au public une faute qui l’a hanté toute sa vie. Cependant, Rousseau nous fait connaître des circonstances atténuantes et nous partage la culpabilité qu’il a ressenti toutes ces années après. Ainsi, ce récit dévoile au public un événement qui est à l’origine d’un trait de sa personnalité et d’un apprentissage qu’il a fait et qui lui a permis de comprendre son erreur. 
Mais on peut aussi voir cet événement comme révélateur de la nature profonde de Rousseau : il est profondément bon sinon il n’aurait pas repensé durant tout ce temps à ce méfait.