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Si l'État est trop fort, il nous écrase, s'il est trop faible alors nous périssons, Paul Valéry

Généralement identifiable à travers trois éléments, à savoir : une population, un territoire et un gouvernement, pour Barraud (2017), la puissance apparaît comme la quatrième substance d'un État. Pour l'auteur, c'est la capacité d'un État à conduire de manière incontestable les activités des individus présents sur son territoire ou faisant partie de la population nationale. Elle renvoie également à la capacité à faire en sorte que l'on tienne compte de ses points de vue, et ses décisions dans le cadre des relations internationales et à protéger ses frontières contre toutes formes de menaces et de transgressions.

L'État

Credit Photo : Pexels Nicolas

En effet, le contexte mondial marqué par un ensemble de défis sur divers plans (sécuritaire, économique, sanitaire, écologique, etc.), auxquels doivent faire face les pays, remet à jour l'intérêt de parler de la puissance de nos États. Comment s'assurer que dans sa mission d'organisation de la vie sociale, l'État ne tombe pas dans les excès et franchisse les lignes rouges ? C'est dans ce sens que, Paul Valéry affirme : « Si l'État est trop fort, il nous écrase ; s'il est trop faible, nous périrons ». Il paraît légitime de se poser la question : puissance étatique et liberté sociale, quel est le juste milieu ?


I. La puissance étatique : une quête perpétuelle

A. État fort : régulateur de la vie sociale

Nous commençons nos propos avec cette pensée de Hobbes pour qui « l'homme est un loup pour l'homme ». En effet, la nature humaine n'est pas favorable à la société, et donc pour réussir le pari de gouverner cette société, il semble que la meilleure issue est de créer un État fort capable non pas d'imposer, mais de définir la ligne de conduite pour maintenir une certaine harmonie. Pari pas gagné d'avance, dans un contexte social de plus un plus en proie aux libertés ! L'État doit donc s'imposer à l'individu, cela passe par la mise en place d'un ensemble d'institutions (exécutif, législatif, judiciaire, militaire) dans le but d'asseoir son pouvoir et son autorité. C'est dans ce sens qu'intervient l'interminable querelle du contrat social (Roy, 1988).

Pour Rousseau, l'égalité et la liberté entre tous les citoyens d'une société qui se veut « juste » sont garanties par l'existence d'un contrat social établi par l'ensemble des parties prenantes. Ceci étant dit, dans une démocratie, le peuple par cet accord tacite ou explicite, décider de transférer toute leur volonté, leur liberté et leur force à un État chargé d'assurer l'ordre et la sécurité de tous (Jouary, 2017). Et comme dirait un officier d'état civil, par les pouvoirs qui lui sont conférés, l'État peut (et doit) user de sa puissance contraignante et légitime au sens de Max Weber pour établir l'ordre à l'intérieur de son territoire, ce qui passe par la mise en place des lois ; pour faire tenir compte de son avis dans les relations internationales (car il s'agit là d'un jeu de force, telle une jungle les plus faibles seront assujettis) dans le but de protéger les intérêts de son peuple (en principe) ; et de conserver ses frontières (à l'image de la guerre en Ukraine). En cas de non-respect des lois (internes ou externes), les sanctions doivent suivre en ayant recours à une combinaison de coercition, violence, peur et même terreur. Comme une autorité parentale, la force et la puissance de ce dernier se mesurent à sa capacité de se faire obéir (en interne) et respecter (en externe). Cependant, il est naïf de penser que la nature de l'homme le prédispose à dépasser ce rapport de force existant entre le gouvernement et le peuple pour un choix libre du respect de la règle.

B. Système autoentretenu

La puissance d'un État n'est pas que matérielle, elle revêt également de l'immatériel, c'est-à-dire à la fois symbolique et psychologique. C'est un construit social, suscitant de ce fait le consentement pour ne pas dire l'adhérence du peuple. Les restrictions observées pendant la coupe du monde 2022 qui se déroule actuellement au Qatar par exemple sont une matérialisation de la force de cet État ayant des fondements « irrationnelles » (car issues des croyances religieuses, culturelles). Ainsi, dans certains contextes, ces fondements supposent une ingérence de l'État dans la vie privée des citoyens (qui l'ont inconsciemment ou non autorisé) qui peuvent se sentir pris dans leur propre piège. C'est à croire que les peuples se sont jetés dans les bras d'un maître absolu, sans pouvoir faire marche arrière. Les dirigeants savent ce qui est bien pour nous, comme une croyance stipule que tout ce que « Dieu » fait est bon.

II. Le pouvoir de l'État, le limiter sans l'affaiblir

A. Tout excès nuit !

Que serait la vie sociale si les gouvernants avaient un pouvoir sans limites, omnipotent ? Ces derniers pouvant agir et transgresser les lois fondamentales sans être inquiétés. C'est dans ce sens que pour Nietzsche, l'État s'appréhende comme un monstre froid pouvant disposer du peuple et le malmener à sa guise. Le problème migratoire en Europe par exemple, est la résultante des populations oppressées par des régimes politiques dictatoriaux et ces dernières sont contraintes de chercher à exister ailleurs. Preuve qu'un pouvoir étatique excessif est une menace pour la liberté des hommes telle que décriée par Locke dans son ouvrage sur le gouvernement du peuple. Par essence libres et égaux, l'idée d'avoir des « maîtres » ne semble pas être au goût de la nature humaine. Certes, la gestion de la vie publique ne peut être faite par tous, mais le fait de déléguer le pouvoir à des « élus » ne signifie pas vouloir être dépossédé de tout droit de décider, puisque le principe de la démocratie c'est le pouvoir du peuple, par et pour le peuple !

 C'est à cet effet qu'existent des mécanismes de contre-pouvoir pour protéger le peuple des abus, afin que ce dernier ne nous « écrase » pas. Dans les pays démocratiques par exemple, le principe de séparation des pouvoirs garantit une certaine indépendance des différents pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) et permet d'assurer une stabilité de la vie sociale en général. Il faut également noter que, le contrôle du pouvoir de l'État dépend de l'implication du peuple dans la chose publique. Étant donné que, l'État est un concept abstrait, c'est généralement du gouvernement (et donc les dirigeants) que vient l'instrumentalisation du pouvoir à des fins personnelles inavouées.

B. Ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain

Limiter le pouvoir de l'État est une chose et l'affaiblir en est une autre. En effet, un État dont la puissance est affaiblie se retrouve vulnérable tant en interne qu'en externe. Dans ce cas de figure, sa pérennité est en péril, tout comme la vie sociale en général, nous « périrons » pour employer les thèmes de Valéry. Dans une salle de classe dont le professeur est absent régnera le désordre, des attaques issues du jeu de la concurrence internationale, en un mot le chaos. À cet effet, Barraud (2017) pense qu'aucun État ne jouit d'une puissance absolue, cette dernière est toujours faible, moyenne ou forte indépendamment de sa capacité à contrôler les activités à l'intérieur et hors de ses frontières. À titre d'exemple, les pays de l'Afrique Sub-Saharienne sont en proie aux crises de manières récurrentes, causées généralement soit par une population révoltée par ses conditions de vie, soit par des coups d'État, soit des soupçons d'ingérence, autant d'éléments matérialisant la faiblesse de leurs institutions étatiques.

Toutefois, à l'image de la société actuelle, il semble qu'un État caractérisé par un gouvernement fort (mais pas trop) soit davantage bénéfique que nuisible à l'homme et à la société. Cela semble être un gage pour l'état social contre tout retour à l'état de nature. Il permet de marquer la souveraineté de l'État et, donc, de le consolider, de l'organiser, de le pérenniser, au bénéfice des individus qui sont sous sa responsabilité.

 

Sources :

- Boris Barraud. Souveraineté de l'État et puissance de l'État. Revue de la Recherche Juridique - Droit prospectif, 2017, 165, pp.123.
- Jouary, J. (2017). Rousseau, le problème de la démocratie représentative. L'Enseignement philosophique, 67A, 37-44.
- Roy, J. (1988). Penser l'État : Rousseau ou Hegel. Laval théologique et philosophique, 44(2), 169–190.

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