culture, arts, créativité, moteurs de la civilisation, civilisation, George Bataille, techniques, savoirs, Werner Jaeger, Pierre Hadot, Aristote
"L'art préhistorique le plus ancien marque assurément le passage de l'animal à l'homme." (George Bataille, "Le passage de l'animal à l'homme et la naissance de l'art", in Oeuvres complètes, tome XII, 1988). Cette citation de George Bataille montre comment l'art participe de l'évolution humaine d'un état dit "primitif" vers un état dit "de civilisation". Car qu'entend-on par ce terme de civilisation ? Ce terme a d'abord un sens sociologique : une civilisation est un ensemble de caractéristiques sociales, techniques, économiques, esthétiques et religieuses d'une société, qui la différencient d'une autre ayant d'autres caractéristiques. Dans cette optique, le terme est souvent mis au pluriel : on parle alors de civilisation européenne, de civilisation japonaise, etc. Au coeur de cette définition, qui recoupe en grande partie celle de la culture au sens sociologique, les arts jouent un rôle majeur : au pluriel, ce terme désigne les savoir-faire, l'habileté (du latin ars), le talent et les procédés permettant de produire un résultat. Ce résultat peut être un artéfact d'ordre pratico-utilitaire (artisanat) ou bien une "oeuvre d'art sans utilité particulière, mais visant à satisfaire des exigences esthétiques, voire à exprimer un idéal artistique. Et dans les arts, tout comme dans la technique, la créativité joue un rôle majeur également, qu'il s'agisse de créer à l'aide des procédés connus, ou qu'il s'agisse d'innover en questionnant l'héritage, la créativité permet de faire évoluer une civilisation. Car la civilisation n'est-elle pas aussi une dynamique qui traverse une société humaine et qui la fait accéder à un stade supérieur d'elle-même ?
[...] Ainsi, l'héritage culturel est certes un moteur de la civilisation, mais à lui seul il ne suffit pas : encore faut-il observer une incessante dialectique entre la civilisation et les défis que lui pose le monde. La culture doit sans cesse entretenir un lien fort avec les questions que pose son environnement et le monde contemporain. III. La civilisation, c'est aussi un procédé d'accession à un état de culture supérieur Mais la civilisation, c'est aussi un procédé d'accession à un état de culture supérieur, sans cesse plus éloigné de l'état le plus primitif : c'est pour cela que la seule transmission de l'héritage culturel s'avère insuffisante. [...]
[...] Comment ces ingrédients participent-ils, dans le même temps du processus civilisateur ? I D'abord, les arts, techniques et savoirs qui constituent la culture sont les éléments moteurs de la civilisation : la culture est à la fois héritage d'un patrimoine et formation de l'individu. C'est via la transmission, la formation et l'éducation que ces éléments meuvent la civilisation dans le temps. II Cependant, la transmission à l'identique de cet héritage et la reproduction des savoirs et des arts au cours de l'histoire ne risque-t- elles pas d'orienter la civilisation vers la sclérose ? [...]
[...] Car ce qui détermine le devenir d'une civilisation, c'est aussi la dialectique entre elle-même et son environnement, l'extérieur. Ainsi, si une civilisation conserve sa culture telle qu'elle a été élaborée à un moment précis fût-il glorieux de son histoire, et qu'elle la transmet à l'identique aux générations futures, elle met en quelque sorte sa culture en l'enfermant dans une approche uniquement muséographique. Or, une civilisation évolue au gré des défis que son environnement lui oppose : c'est la grande thèse de l'historien des civilisations Arnold Joseph Toynbee, auteur d'une monumentale étude de l'histoire, en douze tomes parus de 1934 à 1961. [...]
[...] La culture forme donc les individus et les rend aussi capables d'exercer leur jugement. Dans la Grèce antique, on considérait que la culture, transmise par le biais de la paideia, fort bien décrite chez Werner Jaeger (Paideia. La formation de l'homme grec, 1964) rendait les hommes aptes à philosopher. L'éducation des jeunes nobles était d'une importance vitale : ceux qui possédaient l'aretê, c'est-à-dire l'excellence, devaient être aptes à exercer leur noblesse d'âme. L'inculcation de la culture s'avérait même nécessaire au bon apprentissage de la vie politique : éducation est donnée par les adultes, dans le groupe social lui-même. [...]
[...] Car, ces questionnements qui se posent à une civilisation requièrent d'elle une pensée complexe qui ne peut se satisfaire des seuls enseignements du passé : en tout cas, reproduire ces derniers comme si l'histoire n'avait aucune prise sur ce patrimoine intellectuel et ne pouvait le questionner, c'est condamner la civilisation au déclin. C'est en effet prendre le risque que les humains qui portent cette civilisation dans l'histoire soient dépassés par les événements, prisonniers qu'ils sont de vieux schémas qui souffrent d'un manque de réactualisation dans les temps présents, et qui par conséquent s'avèrent obsolètes. [...]
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